Comment artificiellement créer un landmark case ?

13/12/2021

La stratégie de communication de la Cour supérieure de San Andreas la conduit à publier des « communiqués de presse », lesquels ne sont par ailleurs absolument pas destinés aux journalistes, qui résument des décisions importantes pour la protection des droits et libertés des citoyens. En ce sens, l'objectif de ces communiqués est, en principe, de mettre en avant des solutions nouvelles ou inédites dégagées par la Cour supérieure (qui peuvent se perdre dans le flot incessant de décisions sans intérêt rendues par la Cour supérieure qui, telle une cour municipale perdue aux confins du Wisconsin, connait de toutes les infractions commises dans l'État). Ainsi le Juge en chef (ou ce qu'il en reste ...) avait rendu un premier communiqué relatif à la protection constitutionnelle des droits de la défense.

Toutefois, outre le fait que cette pratique soit marginale, le dernier communiqué envoyé par le second vice-juge en chef de la Cour témoigne de ce que cet exercice de communication est au mieux mal maîtrisé, au pire totalement aléatoire.

Extrait du communiqué de presse
Extrait du communiqué de presse

Les décisions rendues en appel le 12 décembre 2021 sont simples : il n'y a pas, dans notre État et dans notre pays, d'obligation légale de secourir ou d'aider une personne en danger ou courant un risque (qui n'est donc pas nécessairement en péril, ce qui supposerait de courir un danger ou un risque vital), sauf à être un officier public. Ce sont des décisions de bon sens, bien que certains aiment en discuter l'amoralité, souvent d'ailleurs sans se demander s'il est plus pertinent d'imposer une obligation légale ou de laisser la liberté d'action, c'est-à-dire de faire le choix entre un altruisme obligé et qu'un altruisme naturel (le second étant évidemment bien meilleur que le premier).

Pour autant, ces décisions ne font pas jurisprudence dès lors qu'elles sont réitératives des dispositions du code pénal qui avaient été très justement visées par la Très Honorable Katrina Arteaga en première instance. En d'autres termes, la Cour supérieure s'est affranchie de sa stratégie de communication en mettant en avant une affaire tout à fait commune et, à la vérité, sans grand intérêt technique ou nouveauté particulière par rapport à la loi.

Au surplus, les motifs des décisions sont d'ailleurs faussement inédits : le Très Honorable Gavin Houston développe dans son opinion (identique pour les deux affaires) l'existence de la règle d'american bystander rule et estime que reconnaître un accusé coupable de non-assistance alors qu'il n'est pas officier public est « vraisemblablement inconstitutionnel », tout en privant sa décision d'une base légale existante (C. pén., art. 470, B) : la non-assistance est « le fait pour un officier public de ne pas porter assistance à une personne [...] alors que cet officier public le pouvait raisonnablement [...] ». 

Il ira d'ailleurs jusqu'à confondre la notion de non-assistance et de devoir de secours en expliquant que « la notion de "non-assistance" (càd duty to intervene) est absente de la législation saint-andrésienne », là où c'est en réalité la notion de devoir de secours (duty to rescue) qui n'est pas consacrée. Dans cette confusion générale, le second vice-juge en chef ira jusqu'à écrire que la non-assistance est une « infraction absente de la législation de notre Grand État », alors même qu'elle existe, mais que le champ d'application ratione personae de l'infraction ne concerne que les officiers publics. Mais, rassurez-vous, il ne s'agit que d'une « erreur de formulation » ! Une simple erreur de formulation du second vice-juge en chef de la Cour supérieure dans une décision en appel qui ne vise aucune disposition légale (pourtant existante) et dans une matière (le Droit) où les mots ont des conséquences juridiques - n'importe quel étudiant en première année vous le confirmera -.

Une erreur de formulation !
Une erreur de formulation !

L'opinion de la Cour aurait ainsi pu être plus efficace : il suffisait de dire qu'une lecture a contrario de l'article 470 du code pénal exclut l'existence d'une obligation légale de secours, laquelle est en plus de cela une règle générale en common law, de telle sorte que la décision de première instance est conforme.

En bref, le Très Honorable Gavin Houston, en plus de se perdre dans une fausse réflexion personnelle aux dépens de la seule application des dispositions du code pénal, fait de ses décisions des landmark cases (c'est-à-dire des affaires, par extension des décisions, qui auraient un intérêt juridique ou historique particulier) qui n'en sont pas.


MISE À JOUR - 13/12/2021 - 21 H 22

Le second vice-juge en chef de la Cour supérieure a publié un rectificatif en erreur matérielle pour remplacer l'affirmation selon laquelle « non-assistance (infraction absente de la législation de notre Grand État) » par « non-assistance (infraction réprimandant uniquement les officiers publics) ». Il ne vise toutefois toujours pas l'article 470 du code pénal. 


Extrait de l'opinion de la Cour
Extrait de l'opinion de la Cour
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